
L’agence de développement économique et d’innovation parisienne « Paris&Co » vient d’ouvrir pour 2019 son appel à candidatures « Ville durable » : 20 à 25 nouvelles startups seront sélectionnées pour alimenter l’incubateur de jeunes pousses dans les promotions : Économie circulaire, Immobilier de demain et Rolling Lab. Sarah Maltcheff nous explique les enjeux.
Comment est né le pôle « Immobilier de demain » dont vous êtes la responsable et quel est son rôle ?
Sarah Maltcheff – Chez « Paris&Co » nous travaillons sur des thématiques en lien avec la construction de la ville de demain, Notre mission est de favoriser l’émergence de solutions innovantes pour répondre aux grands enjeux écologiques et sociaux : consommation plus sobre de ressources, nouveaux modes de vie et de travail, densité urbaine, etc. Certain nombre de thématiques sont regroupées sous le pôle « Ville durable » de Paris&Co, dont la plateforme « Immobilier de demain » fait partie.
Trois plateformes travaillent ensemble sur ce pôle Ville durable :
- l’économie circulaire, qui n’est pas liée qu’à des problématiques « ville », c’est vraiment transverse, donc plusieurs industries peuvent se greffer sur ce programme ;
- l’immobilier de demain, qui va au-delà du bâtiment. De l’expérience occupant en logement ou tertiaire jusqu’aux interactions et à la gouvernance de quartier
- le Rolling Lab, enfin, qui embarque tous les enjeux de mobilité, de logistique, principalement urbains.
Il y a donc beaucoup d’interfaces entre ces trois sujets. Typiquement, l’économie circulaire du bâtiment est un sujet interface. Sur l’appel à projets « Immobilier de demain » que nous lançons, nous avons aussi de vrais enjeux de services à l’usager autour de la logistique du dernier kilomètre, avec des mobilités douces. L’intégration de la mobilité, notamment électrique, au bâtiment de demain est également un vrai sujet.
Ces sujets naissent-ils spontanément ou avec les partenaires immobiliers ?
SM – L’initiative de cette plateforme revient à la ville, mais le programme en lui-même est animé avec trois types d’acteurs : des startups, des grands groupes et des institutionnels. La plateforme Immobilier de demain va structurer la rencontre entre des entrepreneurs et des partenaires (Icade, BNP Paribas Real Estate, Bouygues immobilier, Poste immo, Legrand…) – grands groupes ou entreprises établies – pour générer des opportunités de collaboration de business. Finalement, les startups sont sélectionnées en fonction des problématiques d’innovation stratégiques des partenaires.
Les startups sont sélectionnées sur leur potentiel à intégrer la démarche ou la stratégie des partenaires ?
SM – Sur l’immobilier de demain, oui, c’est un axe fort. Ça l’est sans doute un peu moins sur l’économie circulaire, où la ville est très présente, mais aussi parce que c’est un domaine transverse et naissant. L’immobilier, qui est un secteur structuré, est piloté par le groupe de partenaires – ils sont quatorze. La promotion immobilière est assez bien représentée avec près de la moitié.
Sur cette partie, les startups sélectionnées ont donc un niveau de maturité qui leur permet de se projeter sur du PoC (Proof of Concept) avec les partenaires sur 12 ou 18 mois (voire un peu plus), mais c’est en tout cas du court ou moyen terme. Au-delà, les partenaires nous remontent aussi de vrais enjeux de veille, sur lesquels ils savent qu’ils ne peuvent « enclencher » tout de suite, mais sur lesquels ils ont envie d’être alimentés. C’est donc aussi notre rôle, en tant que plateforme « Immobilier de demain », de repérer les pépites sur des sujets comme les nouveaux matériaux, par exemple, ou sur la qualité de l’air intérieur.
Quand on regarde les sociétés présentes, c’est très orienté « service », avec beaucoup de logiciels et d’interprétation de la donnée, et peu de produits physiques ?
Sarah Maltcheff – Oui, pour beaucoup effectivement. Sur tout ce qui est nouveau mode d’habitat, nouveaux modes de travail, l’usager étant au cœur de la démarche d’innovation, il y a vraiment beaucoup de services digitaux qui se sont déployés, ces deux dernières années. Mais il y a aussi tous les sujets qui préparent le bâtiment connecté, qui est plutôt un marché en devenir. On a pas mal de Smart Home et de Smart Building, c’est-à-dire pas mal de solutions qui vont faire remonter de la donnée du bâtiment, mieux l’analyser, pour gagner aussi en performances opérationnelles.
Il y a aussi tous les sujets du quartier. De plus en plus d’acteurs – pas seulement des promoteurs – se positionnent comme des ensembliers urbains, ils ont une approche quartier. Donc tout ce qui va être participatif et communautaire. On a même lancé une thématique « Redonner la voix aux usagers » pour 2019. Et puis dans l’approche quartier, il y a aussi, bien sûr, tout ce qui est mobilité, quartier connecté, gouvernance de quartier.
Après, il y a les sujets d’efficacité énergétique, sur lesquels ils ont quand même beaucoup expérimenté, mais ils cherchent encore l’interopérabilité et des solutions pour exploiter facilement la donnée…
Peut-on dresser un premier bilan, notamment sur la pérennité des startups sélectionnées ?
SM – Les startups étant sélectionnées sur leurs capacités à déployer du PoC, elles ont passé la « preuve de concept », pour la plupart. La gestion du besoin en fonds de roulement (BFR) et de la trésorerie est un gros sujet pour plusieurs d’entre elles, mais malgré cela, comme nous avions sélectionné des entreprises qui avaient déjà un peu commercialisé, les concepts sont viables. La question, ensuite, est : « Comment est-ce qu’elles arrivent à décoller ? » Mais sur les trois premières années, en tout cas, aucune entreprise n’a fermé.Un autre élément de bilan à partager, c’est le nombre de collaborations. Déjà une soixantaine de collaborations ont eu lieu entre les quatorze partenaires et l’ensemble des startups. Pour une quarantaine d’entre elles, c’est essentiellement du PoC. Mais plus d’une dizaine de collaborations récurrentes se sont aussi mises en place. Il y a quelques prises de participation, et un peu de collaboration sur appel d’offres.
Les deux premières années, en 2016 et 2018, il y avait de 60 à 70 candidatures par an. En 2018, il y en a eu plus : 116 candidatures. Ce chiffre est intéressant, il montre l’effervescence « PropTech ». Il y a un enjeu de rationalisation de la démarche avec une sélection encore plus fine des startups, vraiment en lien avec les enjeux métier et la stratégie dans l’optique de création de valeur, de retour sur investissement.
Votre objectif est moins de faire des champions de la PropTech que de créer un vivier d’idéespour les partenaires ?
SM – Notre enjeu premier est de servir les startups, au travers de ces collaborations. Mais on les sélectionne avec les partenaires parce qu’il y a un besoin et une ouverture marché. Ensuite, on accompagne ces jeunes pousses pour construire la proposition de valeur pour un acteur de l’immobilier. Il y en a pas mal, par exemple, qui au départ commercialisaient à un type d’acteur, et qui finalement veulent aussi commercialiser à des promoteurs. Il y a aussi tout un accompagnement transverse chez « Paris&Co » pour les mettre en lien avec des investisseurs, leur proposer des experts non sectoriels, qui peuvent les accompagner dans la structuration de l’entreprise.
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